Friday 15 January 2010

Les guerrières d’Iran' Haleh Esfandiari

Les guerrières d’Iran'

Haleh Esfandiari

Zahra Rahnavard saluant les militants pendant un meeting de la campagne électorale de son mari, Mir Hussein Moussavi, au stade Haydarniya Stadium, à Téhéran, le 9 Juin 2009 (Atta Kenare/AFP/Getty Images)

Il est entièrement approprié que deux femmes soient devenues les icônes du mouvement protestataire en Iran. Grâce aux téléphones portables et à l’Internet, des millions de gens dans le monde entier ont vu le visage baigné de sang de la jeune Néda Agha Soltan en train de mourir dans une rue de Téhéran, abattue par les forces de sécurité pendant une manifestation pacifique. Mais même avant les élections présidentielles truquées de juin dernier, Zahrâ Râhnavard, l’épouse du candidat d’opposition Mir-Hossein Moussavi était internationalement connue pour être la première femme dans l’histoire iranienne à faire campagne aux côtés de son mari – prononçant ses propres discours et prenant des positions marquées sur des problèmes sociaux sensibles.

Madame Rahnavard a créé un émoi, mais c’est aussi un exemple. Auteur et enseignante, elle a qussi été la première rectrice d’une université iranienne – elle a dirigé l’université Alzahra de Téhéran de 1998 à 2006 – et a été conseillère politique de l’ancien président Mohammad Khatami. Pendant la campagne, elle a appelé ouvertement à la réforme et a courageusement adopté les exigences de la campagne d’Un Million de Signature, un mouvement de droit des femmes dont les dirigeantes ont été attaquées et arrêtées par les autorités iraniennes.

Suivant son exemple, les épouses des autres candidats ont aussi commencé à faire des apparitions lors de la campagne. Les femmes étaient actives durant les campagnes des deux principaux candidats d’opposition et quand des centaines de milliers de manifestants sont descendus dans la rue après qu’Ahmédinédjâd ait été, contre toute attente, déclaré vainqueur, les femmes ont femmes ont défilé aux côtés des hommes, faisant face aux attaques et aux intimidations de la police anti-émeute, des forces paramilitaires aux voyous armés de couteaux, de matraques et de chaînes que le gouvernement avait envoyé pour contrer les manifestants. Comme une militante de mes amies me l’a dit ironiquement : « On nous a traitées de la même façon  Ils nous ont battues, matraquées et arrêtées exactement comme les hommes. » (Signe de l’importance grandissante du vote des femmes, le président Ahmadinédjâd – dont la légitimité est plus que douteuse- a cherché à apaiser son électorat en nommant trois femmes ministres, bien que le parlement n’en ait entérinée qu’une.)

En fait, les femmes ont été à l’avant-garde de la résistance depuis le début de la république islamique. Les premières années après la révolution, elles ont résisté au régime qui tentait de leur faire abandonner travail et université. Elles ont trouvé des façons subtiles – comme montrer une mèche de cheveux, porter des vêtements plus courts et de couleur pastel- de défier le strict code vestimentaire que le gouvernement leur avait imposé au nom de l’Islam. Elles ont refusé la séparation des sexes, à l’université comme dans les taxis. De nos jours, il y a davantage de femmes que d’hommes qui réussissent le concours d’entrée à l’université, et cette tendance a alerté certains parlementaires ces dernières années au point qu’on a parlé de mettre en place des quotas par voie législative : une action positive dans l’intérêt des hommes.

Au milieu des années 90, les femmes se sont rassemblées pour soutenir l’administration réformiste du président Mohammad Khatami, et elles ont fait la différence en lui permettant d’obtenir une majorité confortable lors de ses deux mandats. Avec la campagne Un Million de Signatures, lancée ne 2006 et visant à rassembler un million de signatures sur une pétition protestant contre la législation discriminatoire contre les femmes, le mouvement des femmes est entré dans une nouvelle phace, demandant implicitement la révision de lois enracinées dans les principes de l’Islam. Les arrestations, les procès, les lourdes amendes et les emprisonnements n’ont pas rebuté les leaders de cette campagne qui émane essentiellement d’une large classe moyenne et a atteint les petites villes, les villages aussi bien que les grandes villes pour y rassembler des signatures.

La participation des femmes dans les dernières manifestations est un autre signe d’un nouvel essor. Les femmes se sont montré prêtes à faire ce que l’on considère généralement comme « un travail d’homme. » En dépit des risques d’être battues, blessées, arrêtées et même tuées, elles ont continué a tenir un rôle capital dans les manifestations. Le slogan des manifestants « nous sommes des hommes de guerre » a même été changé en « nous sommes des hommes et des femmes de guerre. »

Alors que j’étais à l’isolement à la prison d’Evine, à Téhéran en 2007, on m’a longuement interrogé sur le mouvement pour les droits des femmes ; il semblait alarmer et désarçonner mes deux enquêteurs. Ils craignaient certainement son potential: sinon comme expliquer la façon brutale dont on été traitées les femmes collectant es signatures pour une simple pétition ? Mais les enquêteurs m’ont dit qu’ils craignaient un retour de bâton s’ils dispersaient les manifestantes de façon trop forte.

C’était il y a trois ans. Maintenant ils ne prennent plus de gants. La vue de dizaines de milliers de femmes défilant aux côtés des femmes dans les manifestations de juin dernier semble avoir déconcerté les autorités. Lors du second mandat du régime de plus en plus brutal d’Ahmadinédjâd, les Iraniens ont vu des femmes jeunes et moins jeunes se faire matraquer, traîner sur les trottoirs et pousser dans des camionnettes par la police et les sbires en civil. Rahnavard a fermement condamné la brutalité des forces de sécurité.

La semaine dernière, les mères des jeunes qui ont disparu en prison ou autre trou noir du gouvernement et qui se rassemblent tous les samedis dans un parc de Téhéran pour exiger des nouvelles de leurs enfants ont été battues et arrêtées par des hommes de la sécurité. Elles ont depuis été relâchées mais certaines pourraient être citées à comparaître. De telles scènes sont maintenant gravées dans la mémoire des Iraniens et elles reviendront hanter le régime dans les années à venir.

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http://blogs.nybooks.com/post/334646643/irans-women-of-war


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